Pour une innovation positive !

Pour une innovation positive !

Depuis quelques semaines, une citation — qui ne date pourtant pas d’hier — ne cesse de me hanter… 

« We wanted flying cars, we got 140 characters » de Peter Thiel.

Même si je ne renie pas l’intérêt et la puissance de Twitter dans notre société actuelle, cette citation sonne pour moi comme un véritable constat d’échec. Non pas que je souhaite particulièrement me déplacer en voiture volante, mais plutôt parce que ce diagnostic amer témoigne de nos limites à aller au bout de nos rêves pour construire notre avenir.

Où sont passés nos grands rêves ?

A l’heure où scientifiques et chercheurs nous alertent sur le devenir de notre planète, ce diagnostic m’interpelle : que sommes-nous vraiment capables de construire pour demain ?

Les défis climatiques nous obligent déjà à faire évoluer notre approche de mobilité, d’alimentation… Ils nous poussent à repenser nos habitudes, pour certaines profondément ancrées dans nos cultures, et à inventer de nouveaux repères.

Nos sociétés modernes nous amènent par ailleurs à faire face à des défis de grande ampleur : comment vivre et vieillir en bonne santé ? Quels modèles économiques mettre en place pour ne laisser personne au bord du chemin ?

Face à tous ces défis, nous devrons nécessairement initier de nombreux changements fondamentaux.

Etre acteur du monde de l’innovation, ça veut dire quoi ?

En tant qu’actrice du monde de l’innovation, cela m’interpelle : ne suis pas censée, plus que les autres, contribuer à la construction d’un monde meilleur pour demain ?

Si je me suis engagée auprès d’une agence d’innovation qui prend les sujets en partant de l’humain et de ses besoins, n’est-ce pas pour cela ?

A vrai dire, tout a commencé avec l’histoire d’un soutien-gorge. Mon équipe avait à l’époque été missionnée pour imaginer les soutiens gorges de demain !

En interrogeant ces utilisatrices, nous avons vite compris qu’au-delà de la question du soutien-gorge, il y avait celle de la féminité, celle d’accepter son corps et ses spécificités. Pour certaines d’entre elles, il s’agissait de reconstruire leur image de femme après des opérations médicales, pour d’autres d’assumer le fait d’être une femme dans un monde d’hommes…

Peut-être que mon côté féministe a refait surface à ce moment-là, mais au-delà de la conception d’un nouveau soutien-gorge, j’ai eu le sentiment de réellement travailler à améliorer le quotidien de ces femmes.

Puis, au fil des projets, une conviction profonde s’est forgée : au-delà d’un nouveau packaging pour un yaourt ou d’un nouveau service de livraison de colis, notre équipe devait surtout redonner du sens à ces initiatives : réfléchir à une nouvelle tondeuse, c’était travailler à (ré)installer des espaces verts dans nos quotidiens et en faire des espaces de plaisir ; mettre en place une activité de récupération de meubles usagés pour un acteur de l’ameublement, c’était faciliter l’accès à un logement confortable pour tous, réfléchir à des offres digitales adaptées aux enfants, c’était apporter plus de sérénité aux familles,
Un peu tiré par les cheveux ?

C’est vrai qu’il est plus facile de réfléchir aux bénéfices que l’on apporte à l’utilisateur final lorsque l’on travaille sur l’amélioration du parcours à l’hôpital ou aux impacts positifs d’une innovation sur la planète lorsqu’elle vise à inciter les utilisateurs à moduler leur consommation d’énergie par exemple… mais je suis persuadée que nous pouvons tous, à notre niveau, faire basculer nos projets pour qu’ils contribuent positivement au développement de notre avenir.

Pas seulement parce que cela redonne du sens à nos métiers — et oui, je fais partie d’une génération qui fuit les « bullshit jobs », qui rêve de changer le monde et de « créer un impact » -… mais aussi parce que je suis convaincue qu’on ne peut pas toujours faire porter la responsabilité sur les autres… d’autant plus lorsque l’on pose l’ambition d’innover, de construire des expériences de produits et de services qui « partent des gens ».

A ce titre, comme je le dis souvent, en tant qu’acteur de l’innovation, plus que tous les autres, nous devons « être le changement que nous voulons pour ce monde » (Merci Gandhi !).

Et pourtant, ce n’est pas facile tous les jours…

N’y voyez pas là les élucubrations d’une jeune trentenaire utopiste.

En effet, malgré les sessions créatives, les échanges enrichissants avec les directions de l’innovation, les ateliers collaboratifs pour construire des « expériences idéales », je suis aussi malheureusement souvent confrontée aux « c’est impossible », « on a déjà essayé », « ça ne marchera jamais »…

Comment comprendre qu’on me réponde « c’est impossible » alors que j’envisage simplement de modifier quelques paramètres d’un SI que tout le monde sait dépassé ? Comment m’expliquer qu’on n’arrivera jamais à faire évoluer une gouvernance de projet interne alors que je vois ailleurs qu’on envoie des missions sur Mars ?

A ce niveau, j’admets être souvent déçue du manque d’ambition des idées retenues suite aux sessions créatives. Avec la même amertume que Peter Thiel, je me dis même parfois « Tout ça pour ça ».

Comme si les barrières de l’innovation semblaient infranchissables.

Comme si l’innovation était une démarche temporaire pour sortir du cadre et rêver… mais qu’il fallait vite « revenir à la réalité ».

Mais pourquoi « revenir à la réalité » ? Si cette réalité n’est pas satisfaisante, pourquoi ne pas plutôt s’atteler à la changer ?

Et c’est là que je m’interroge…

Pourquoi eux et pas nous ?

On glorifie Elon Musk qui nous parle de voyage dans l’espace, de « téléportation » grâce à son hyperloop, on écoute sagement Google qui nous parle de vie éternelle, …
Ces « happy few » seraient donc les seuls à avoir le droit de rêver et d’être crédible en même temps ?

Et pourquoi ils y arriveraient et pas nous ?

Pourquoi eux ne s’arrêtent pas au simple fait que « c’est impossible » ?

L’histoire nous a montré que ce que l’on croyait impossible ne l’était pas toujours : voler, communiquer en temps réel avec l’autre bout du monde ou produire de l’énergie par le vent ou le soleil, …

Ces innovateurs d’hier ont cru en leurs rêves, ils ont parfois été aidé dans leur aventure par un peu de chance mais leurs travaux surtout permis de transformer leurs utopies en des réalités, aujourd’hui utilisées par des millions de personnes.

De la disruption à l’innovation positive

Alors, face aux défis majeurs qui nous attendent, ne devons-nous pas revoir nos ambitions à la hausse ?

Aujourd’hui, on parle de disruption. Il s’agirait de repartir d’une feuille blanche, de s’affranchir complètement de ce qui a été fait jusque-là pour produire un meilleur demain. En ce qui me concerne, je ne suis pas sûre que l’objet soit de tout changer du jour au lendemain — même si sur certains sujets, cela s’avère sans doute nécessaire. En revanche, je suis persuadée qu’on a tous la capacité à changer notre monde positivement, avec des pas, petits et grands, dans la bonne direction.

C’est d’ailleurs pour cette raison que je préfère souvent parler d’« innovation positive ».

Positive, parce qu’elle impacte positivement le monde, certes, mais aussi et surtout parce qu’elles ont du sens et de la valeur pour ceux qui les utiliseront et ceux qui les créent.

Positives car elles transforment des utopies en réalités concrètes pour les individus.

Et maintenant ?

On dit parfois qu’innover c’est rêver éveillé… et si nous osions aussi désormais rêver ensemble !?

Beaucoup d’entre nous ont déjà compris l’intérêt du pluridisciplinaire et rassemblent désormais autour de la table ingénieurs, marketeurs, designers, sociologues… dans une logique où le croisement des perspectives enrichit et permet d’affiner les idées plus vite pour plus de résonnance.

Mais n’hésitons pas à ouvrir ce cercle vers l’extérieur : fournisseurs, partenaires, acteurs issus d’autres marchés… et même concurrents !

Dans une économie de plus en plus favorable aux plateformes et où les jeux de pouvoir se redessinent sans cesse, l’innovation n’est déjà plus cloisonnée aux frontières de l’entreprise… alors pourquoi ne pas s’attaquer collectivement aux défis que les évolutions sociales appellent désormais ?

Une chose est sûre en tout cas : ne cessons jamais de rêver… car sinon, on risque de passer à côté du monde de demain !